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Page:Fabié - Œuvres, Poésies 1905-1918, 1921.djvu/87

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Que dis-je ! pas un champ autour de nos villages
Où l’on ne plante, en mai, dans les premiers sillons,
La croix de noisetier qui sauve des orages
Les épis, les bleuets et les nids d’oisillons…

Pourtant les grandes croix avoisinant les fermes,
Celles que nos anciens dévotement taillaient
Au cœur d’un chêne, et qui longtemps, hautes et fermes,
Tenaient contre les vents fous qui les assaillaient ;

Ces croix qui n’avaient point de Christ saignant sur elles,
— Les imagiers naïfs n’existant plus chez nous, —
Mais quelquefois un coq fruste battant des ailes,
Et souvent le marteau, la tenaille et les clous ;

Ces vieilles croix qu’un vieux curé de la paroisse
Était venu bénir, avec la basse-cour,
L’étable et le rucher, et qu’aux heures d’angoisse
La fermière cherchait d’un long regard d’amour ;

Je les vois tous les ans un peu plus délabrées ;
L’une sur le côté penche, l’autre en avant ;
D’autres, qu’un forgeron grossier a restaurées,
Sous leurs brides de fer grincent au moindre vent.