Page:Fabre, La bête du Gévaudan, Floury, 1930.djvu/100

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j’ay vu aujourd’hui les blessures du cheval et questionné cet homme. Il dépeint la Bette comme à l’ordinaire[1]… »


Mais le monstre, avec ce flair particulier qui le caractérisait, semblait avoir l’intuition de ce qui se tramait contre lui. Il quittait les parages où s’étaient cantonnés les chasseurs, et se jetait de nouveau en Auvergne.

Le 4 juillet, à Broussolles, paroisse de Lorcières, entre onze heures et midi, ainsi qu’on le verra dans une relation postérieure, il jugulait une vieille femme de soixante-huit ans, Marguerite Oustallier, lui suçait le sang et la laissait morte, après l’avoir traînée pendant vingt pas.

De là, il passait sur la paroisse de Jullianges, où il attaquait, sur les deux heures de l’après-midi, la fille du maréchal à qui heureusement il ne put faire aucun mal.

Était-ce vraiment le même animal qui à deux heures d’intervalle venait de tenter ces deux méfaits en des paroisses différentes ? Qui donc pouvait en donner la certitude absolue ? On avait si facilement et si généralement pris l’habitude, aussitôt qu’une victime était signalée, de crier à la Bête, et de reporter sur une même tête, la culpabilité de ces carnages multipliés !

On vint avertir M. Antoine qui se transporta sur les lieux pour étudier les traces de la bête.

Dans une lettre à M. de Ballainvilliers (11 juillet), il rend compte des remarques qu’il a faites :


« Le six, au point du jour, nous nous sommes transportés avec nos limiers sur la place où cette femme avoit été égorgée, où nous avons vu beaucoup de sang, son chapeau et ses habits déchirés, et avons reconnu qu’elle avoit été traînée quatre toises et qu’à ces endroits ou le terrein étoit dur nous n’avons aperçu que les ongles d’un gros loup. Comme nous étions à nous retirer le Consul dud. Lorcière est arrivé tout essoufflé pour nous dire que tout ce village étoit en alarme par les hurlements d’une Bête, et qu’il nous feroit voir l’endroit par où elle avoit passé, nous nous y sommes tous transportés sur le champ

  1. Lettre de M. Denneval, du 3 juillet. Archives du Puy-de-Dôme. C. 1734.