Page:Fabre, La bête du Gévaudan, Floury, 1930.djvu/18

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n’osaient plus sortir sans être armés d’un lourd bâton, d’une fourche ou d’une hache, surtout lorsqu’ils allaient faire leurs labours à proximité des bois.

Oh ! ces longues inquiétudes, ces angoisses pénibles qui torturaient les pauvres mères lorsque leurs enfants étaient aux pâturages ! Car il fallait bien de toute nécessité y conduire le bétail, les hommes étant occupés aux travaux des champs.

On résolut de concentrer tous les efforts sur Saint-Chély et le Malzieu. Au commencement de novembre, M. Duhamel avait reçu l’ordre de quitter Langogne et était venu, le 5, s’installer chez Grassal, aubergiste à Saint-Chély.

La Bête n’avait qu’à bien se tenir. On comptait la déloger comme l’on avait fait à Langogne ; bien mieux, on comptait la tuer, grâce à l’expérience que l’on avait maintenant de ses habitudes et de la manière dont elle procédait. Aussi les populations se reprirent à l’espérance et firent bon accueil aux nouveaux arrivants.

Comme ces poursuites étaient pénibles pour les hommes et pour les chevaux, M. Duhamel fit augmenter la solde de ses troupes, afin de les mettre à même de soutenir plus vigoureusement les fatigues inséparables de la besogne à laquelle il allait les employer.

Les chasses furent reprises avec une certaine régularité. M. Duhamel se proposait de se lancer aux poursuites, de deux jours l’un, et un ordre régulier de battues fut publié qui devait être ponctuellement exécuté.

Il écrivait à M. Lafont : « Il est bien constaté qu’il y a deux de ces animaux, plusieurs rapports le confirment. L’on dit même qu’ils sont presque toujours ensemble[1]. »

La Bête, ainsi traquée du côté de Saint-Chély, se jeta « dans l’Auvergne, dans cette partie de la province qui est entre Chaudesaigues et Saint-Flour. Elle fondit sur un troupeau de bêtes à laine, en un pâturage de la paroisse de Chauchailles. Une femme qui gardait ce troupeau voulut lui arracher un mouton qu’elle avait saisi. La Bête se lança sur elle et la blessa à la lèvre inférieure et dans quelques autres parties du visage et de la tête.

  1. Pourcher, p. 77.