Page:Fabre, La bête du Gévaudan, Floury, 1930.djvu/222

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ne peut avoir beaucoup d’importance, et ne va point jusqu’à tuer ou dévorer les victimes, par quoi ils cesseraient d’être des mystificateurs.

2° Faut-il croire à l’intervention d’un odieux personnage à qui doit être rapporté le plus grand nombre de ces morts qui de 1764 à 1767 désolèrent le Gévaudan ? Sans doute, toutes les opinions sont respectables, et il est possible que, dans le désarroi de cette époque, il y ait eu quelque cas de ce genre, toutefois, aucun fait n’a été apporté à l’appui, et l’auteur de la thèse avoue que les preuves médico-légales manquent.

Cette affirmation, d’ailleurs, si élargie, se heurte à de sérieuses objections.

a) Il est bien étrange que les chasseurs émérites qui dirigeaient les opérations et rédigeaient les procès-verbaux des méfaits de la Bête, avec l’expérience qu’ils avaient de la piste et des traces des animaux malfaisants, à l’occasion de tant et tant de victimes dévorées, surtout dans ce pays où la neige tombe presque pendant cinq ou six mois de l’année, n’aient point reconnu, n’aient point même soupçonné, une seule fois, autour du méfait, les traces et les pas d’un homme !

Et, de ces chasseurs quelques-uns, les chefs, n’étaient pas sans culture : le comte de Tournon, le comte d’Apchier, M. Lafont, le syndic du diocèse, M. Duhamel, MM. Denneval, MM. Antoine père et fils.

b) D’autre part, n’est-il pas singulier que parmi tant de personnes attaquées qui ont échappé à la dent de la Bête, les unes par leurs propres moyens, en luttant contre elle, les autres par des défenseurs accourus à leurs cris, pas une n’ait reconnu avoir été attaquée par un homme, mais bien par une Bête, et c’est à une Bête, non point à un homme, qu’ont été arrachés les enfants si nombreux, assaillis et près d’être dévorés. Tous les témoignages sont absolument unanimes à ce sujet.

c) Puis, cet homme, pendant trois années consécutives comment aurait-il pu cacher ses nombreux méfaits ? « Toujours par quelque endroit fourbes se laissent prendre. » Comment n’a-t-il pas été saisi sur le fait ! Comment n’a-t-il pas été soupçonné même une seule fois, par ses parents, par ses voisins ! On l’aurait, une fois ou l’autre, signalé aux autorités locales ; les