Page:Fabre, La bête du Gévaudan, Floury, 1930.djvu/228

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Dès l’abord une division toute naturelle s’impose.

D’une part, un cycle bien déterminé se rapporte à l’époque contemporaine des événements eux-mêmes, c’est-à-dire la seconde moitié du xviiie siècle.

D’autre côté, une production différente d’esprit et de procédés s’est propagée au cours du xixe siècle, et se continue actuellement dans le xxe.

Nous les envisagerons successivement.


L’ICONOGRAPHIE DE LA BÊTE DANS LE XVIIIe SIÈCLE


Au milieu de l’année 1764, un animal féroce, d’une espèce qui semblait inconnue, se révèle par des attaques incessantes et meurtrières contre les paisibles habitants du Gévaudan. Les ravages exercés prennent bientôt les proportions d’un véritable fléau.

Alors, les autorités de la province cherchent à coordonner et diriger les moyens de défense employés spontanément par une population affolée. On organise battues et chasses, on promet des récompenses. L’évêque de Mende, y joignant un appel religieux, l’adresse sous forme de mandement à ses paroisses.

Mais avant tout, ne devait-on point faire connaître l’ennemi poursuivi et qu’il fallait combattre ?

À ce but s’empressèrent les placards et feuilles volantes, que l’on voyait, à cette époque, surgir en masse dès que se produisait un événement notable. C’est que les gazettes et journaux n’étaient guère répandus alors. Peu lus, d’ailleurs, car la foule des illettrés demeurait grande. Pour ceux-là l’image venait suppléer au texte.

En l’occurrence il importait d’agir promptement et de manière économique. À cette double exigence, la simple gravure sur bois répondait parfaitement.

Cependant une difficulté se présenta. La Bête, ainsi qu’on avait dénommé l’extraordinaire et insaisissable animal, ne se laissait point portraicturer de bonne grâce. Et les descriptions les plus contradictoires circulaient à son égard, de la part de gens qui n’avaient fait que l’entrevoir à peine, quand encore ils ne la rêvaient pas seulement à travers les mirages de la peur.

Mais les naïfs artistes, pas plus que leur public aussi primitif, ne s’arrêtaient pour si peu. Sans se soucier le moindrement d’une exactitude rigoureuse, il leur suffisait de l’évocation d’un monstre susceptible de frapper les imaginations et de porter la terreur à son comble.

Certes on ne s’en fit pas faute. Dans d’étranges conceptions s’épanouissant en toute liberté, revivait l’inspiration des anciens Imagiers qui, au moyen âge, remplirent leurs Bestiaires d’un pullulement d’êtres fantastiques. Tantôt, on s’imaginait un Ours, ou bien un Lynx. Mais la représentation qui prima toutes les autres, fut celle d’une Hyène. Cet animal exotique, connu seulement, et encore fort mal, par les ménageries, se prêtait aux trans-