Aller au contenu

Page:Fabre, La bête du Gévaudan, Floury, 1930.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais elle, plus agile, d’un bond saute à la gorge de Panafieu, l’un des plus petits qui était derrière. Les trois grands fondent sur elle, et à coup de piques, lui font lâcher sa proie. Elle se retire à deux pas, emportant une partie de la joue de l’enfant, puis revient avec fureur, tourne toujours et se jette sur le petit Veyrier qu’elle renverse. Repoussée encore une fois, elle bondit avec rage et saisit à nouveau Veyrier par le bras et l’emporte.

La troupe se précipite sur elle avec ses piques, mais ne peut lui faire lâcher prise. Le pauvre enfant va périr, lorsque Portefaix et Couston se divisent et obligent le loup à passer à travers un bourbier qui se trouvait à quelques pas. Ce bourbier ralentit sa course et les enfants peuvent le rejoindre. Comme les coups portés par derrière restaient sans effet, Portefaix suggère à ses compagnons de frapper à la tête, dans les yeux et dans la gueule. Ces efforts incessants qui le harcèlent et l’obligent à se défendre empêchent le monstre de mordre sa victime. Dans sa rage, il fausse avec ses dents la pique de Portefaix. Enfin, sur un dernier coup qui le blesse à la tête, l’animal fait un bond en arrière et abandonne l’enfant. Aussitôt Portefaix se met devant Veyrier qu’il protège de son corps et de son arme, et le monstre bientôt poursuivi par tous les autres, finit par prendre la fuite.

Une assez longue relation — nous en avons abrégé le récit — fut faite alors de cet événement[1].

Portefaix reçut, ainsi que ses compagnons, diverses gratifications. Élevé aux frais de l’État, il entra dans le corps du génie et mourut lieutenant du corps d’artillerie pour les colonies à Douai, en 1785.

On a quelque peine à croire que ce soit une seule et même bête qui ait commis ces divers méfaits, dans un si court délai et en des lieux si éloignés l’un de l’autre.

Le loup se repaît, une fois gorgé, il se terre dans son antre et attend que la famine le pousse pour se mettre de nouveau en chasse. Ici, rien de tel. Une victime était dévorée le matin, une seconde égorgée le soir. Bien plus, deux personnes étaient quelquefois jugulées à deux ou trois heures d’intervalle.

Et alors comment expliquer dans plusieurs individus cette

  1. Archives de Montpellier. Pourcher, p. 165 et suiv.