Page:Fabre, La bête du Gévaudan, Floury, 1930.djvu/53

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Les chasseurs jetaient un coup d’œil bienveillant sur leur arme. Qui sait si de ce canon ne sortirait pas la balle fortunée qui devait gagner la récompense promise, et faire de son possesseur l’heureux héros de la journée ? D’aucuns firent bénir les balles avant de les glisser dans leur fusil : la bénédiction de l’Église ne peut que porter bonheur.

Et là-bas, à Paris, la cour attendait avec anxiété le résultat de cette journée.

Hélas, cette journée devait être pour tous une immense déception !

Les opérations faites en Gévaudan sont ainsi racontées par M. Lafont :


« Nous nous mîmes en chasse, jeudi, le 7me jour de ce mois, de grand matin. Soixante-treize paroisses du Gévaudan furent en mouvement ; presque toutes avaient chacune à leur tête, outre leur consul, une personne notable dirigeant les opérations que M. Duhamel ou moi leur avions indiquées.

« Cette chasse était encore composée d’environ 30 paroisses d’Auvergne, et de plusieurs du Rouergue…

« Le pays était couvert d’un demi-pied de neige. Le temps quoique froid, était calme et serein. Sur les 10 à 11 heures, la Bête fut lancée par les chasseurs de la paroisse de Prunières. Elle gagna les rives de la Truyère, dont le bord opposé se trouva malheureusement dégarni, quoique suivant les dispositions faites et ordonnées par M. Duhamel, il eut dû être gardé par les habitants de la ville et paroisse du Malzieu. Le vicaire de Prunières et dix de ses paroissiens se jetèrent dans la rivière et la traversèrent à pied, et presque à la nage, nonobstant la rigueur de la saison. Ils suivirent la Bête pendant longtemps à la trace, la perdirent ensuite dans les bois qui ont beaucoup d’étendue. Elle fut rencontrée, à une heure de l’après-midi, par le valet de ville du Malzieu et quatre paysans de cette paroisse. Le fusil du valet de ville fit faux feu, un des paysans la tira à balle forcée. La Bête tomba au coup sur ses deux jambes de devant en poussant un grand cri que les cinq chasseurs entendirent. Elle se releva promptement ; ils la poursuivirent jusqu’à la nuit sans pouvoir l’approcher d’assez près pour la tirer. Ces