Page:Fabre, La bête du Gévaudan, Floury, 1930.djvu/56

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« Il ne nous fut pas possible de pénétrer dans les bois, la quantité de neige et les brouillards qui n’ont cessé que d’aujourd’hui en ont été l’obstacle… nous nous bornâmes à cotoyer les bois et à battre les bruyères voisines, sans apercevoir aucune trace de la Bête féroce qui parut le 5 du présent aux environs du bois du village de Lescure, paroisse de la Chapelle-Laurent, où je m’étois rendu pour faire faire la battue des bois…[1]. »


Enfin, M. de Montluc, dans une lettre du 9 février, résume ainsi le résultat de la journée du 7 :


« La chasse du 7 n’a pas réussi… je n’ay pas ouï dire qu’elle ayt été vue en Auvergne, où il faisoit ce jour-là un brouillard extrêmement épais…

« … Sa ruse étonne si fort le paysan, que c’est une opinion générale chez eux qu’il y a là-dedans quelque chose de surnaturel, et souvent même il est entretenu dans cette idée par gens lettrés en qui il a confiance[2]. »


Qu’il y eût ou non du surnaturel, une chose était incontestable, c’est que cet animal était bien difficile à tuer.

Tant d’hommes contre une seule bête, et c’est encore la Bête qui l’emportait ! Combien devaient être tristes ces déclins de journées, combien piteux ces retours de la chasse, les cavaliers épuisés, les chevaux harassés, les chasseurs exténués, et les rabatteurs, de la tête aux pieds, trempés jusqu’aux os par la neige, par le givre des taillis et le brouillard pénétrant de ces montagnes, les uns et les autres ayant perdu l’espérance qui, le matin même, leur mettait au coeur cette flamme de vaillance, bien nécessaire pour supporter ces dures fatigues auxquelles la nuit seule mettait un terme !

Et alors pour les pauvres mères, les terreurs ni les angoisses n’étaient donc point finies, et de longues journées allaient donc encore se lever, où il faudrait vivre dans les transes, et s’attendre à chaque instant à apprendre qu’un de leurs enfants venait d’être la proie de la Bête cruelle !

  1. Lettre de M. Gueyffier, à Brioude. Ibid.
  2. Ibid.