Page:Fabre, La bête du Gévaudan, Floury, 1930.djvu/76

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des hauteurs de Denneval qui voyait en eux des compétiteurs, soit des difficultés insurmontables des lieux, ils étaient repartis.

Denneval comptait bien ne pas procéder comme son prédécesseur. Il avait avec lui six bons limiers dressés à courir le loup. Les paroisses avaient reçu l’ordre, aussitôt que la bête serait aperçue, de venir immédiatement lui en donner avis, ou, si une victime était attaquée et mise à mort, de ne pas toucher au corps avant son arrivée.

Une fois averti, il venait en hâte faire prendre contact à ses chiens qui devaient mener vigoureusement le loup et le faire tomber sous les coups des tireurs. Mais les limiers, soit défaut de dressage ou de flair, soit que cette Bête leur répugnât eurent de la peine à reconnaître la piste comme on l’eût désiré, et ne rendirent pas d’abord les services attendus.

Il avait établi son cantonnement du côté de Saint-Alban, et du Malzieu. Le 21 avril, il voulut essayer d’une battue faite par plusieurs paroisses pour ramener la Bête du côté de Prunières et des bois de M. de Morangiès, où il y avait des gorges qui pouvaient être fructueusement occupées par des tireurs. Mais toutes ces tentatives furent inutiles, il put approcher la Bête, la mener jusqu’à la nuit : la Bête lui échappa.

« M. d’Enneval vient de m’instruire des nouveaux ravages qu’a faits la Bête féroce. Au commencement de ce mois elle a dévoré une fille de treize ans près de Saint-Alban. M. d’Enneval y alla et un de ses piqueurs la trouva dans le bois de Morangiès ; on n’eut pas le temps de l’envelopper, elle quitta le bois et les chiens la suivirent. On trouva en la poursuivant des ossements humains et beaucoup de sang, on ne sait qui elle a dévoré… Le même jour elle dévora le soir un enfant de dix ans dans la paroisse de Saint-Denis, et depuis elle a attaqué près de Saint-Chély un homme robuste qui s’est longtemps défendu contre elle, après beaucoup de ruses, elle l’a terrassé et dévoré[1]… »

« Depuis la semaine sainte pendant laquelle la mauditte Beste tua et dévora trois filles et un garçon, et notre dernière chasse, il n’est arrivé aucun accident[2]… »

  1. Lettre à M. de St-Florentin, du 13 avril 1765. Arch. du P.-de-D. C. 1731.
  2. Ibid. Lettre du 17 avril.