Page:Fabre, La bête du Gévaudan, Floury, 1930.djvu/81

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ner soigneusement la destruction des loups et louveteaux, et offrir une prime double de celle qui avait été promise les années précédentes.

À la méthode déjà signalée, M. Denneval joignit un nouvel expédient. Il avait ordonné, on l’a déjà vu, de laisser sur place les victimes jugulées. Une fois prévenu, il faisait répandre du poison sur les restes délaissés, espérant que la Bête viendrait se repaître à nouveau et avalerait ainsi son propre trépas. L’expérience en fut faite sur le corps de la fille de Venteuges. Mais, ou la Bête ne revint pas, ou le poison absorbé par elle fut sans effet.

M. Denneval commençait à se laisser gagner par le découragement.

Il ne faisait pas mieux que son prédécesseur. Ses procédés n’avaient pas plus de succès, et d’autre part jamais la Bête n’avait fait tant de victimes.

Des signes de mécontentement se manifestaient parmi la noblesse de ces pays, la France elle-même était étonnée de l’adresse merveilleuse de cette Bête qui en remontrait à un si célèbre louvetier.

Bien plus, les Anglais s’occupaient aussi du Gévaudan et de sa Bête dont le sinistre renom avait franchi les mers.

On lit dans le Courrier du 26 avril 1765 :


« Les journalistes Anglais s’égaient à nos dépens, mais à l’Anglaise, au sujet de la Bête du Gévaudan. On lit dans une de leurs feuilles du 29 mars, qu’une armée française de cent vingt mille hommes a été défaite par cet animal qui après avoir dévoré vingt-cinq mille hommes et avalé tout le train de l’artillerie, s’est trouvé le lendemain vaincu par une chatte dont il avait dévoré les chatons.

« On ne voit point sur quoi peut tomber ce sarcasme, mais ce qu’on voit bien clairement… c’est que l’art de railler avec sel et de badiner avec grâce n’est pas, du moins communément, l’art des écrivains anglais. L’air pesant du climat et l’humeur sombre de la nation s’y opposent[1]. »

  1. Les Allemands aussi s’intéressaient à cette lutte d’une Bête qui tenait en échec toute une province, et des gravures circulaient, dont la légende, en langue allemande, dénotait l’origine.