Aller au contenu

Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur prêter. Ils prétendaient à la gloire pour seul honoraire, et se déclaraient prêts à payer les frais des procès qu’on leur confierait. Ne faut-il pas apprendre à ses propres dépens à perdre une cause, si l’on veut ensuite mettre ce talent précieux au service des autres ?


Un jour, cependant, je vis entrer un de mes amis tout rayonnant.

— J’ai une cause, dit-il, partageons-la ? Je lui serrai la main avec émotion.

— La cause est bonne, reprit-il, mais entourée de circonstances assez difficiles à démêler pour jeter quelque lustre sur celui qui la gagnera. Seulement, je manque d’assurance et je tremble d’avance d’avoir à dire d’une voix tonnante : Messieurs les jurés. Je préparerai la cause, veux-tu la plaider, et nous partagerons les honoraires ?

— Comment donc !

Mon confrère me raconta ensuite en quelques mots ce dont il s’agissait. Notre client était accusé d’avoir volé un cheval. Circonstance atténuante ou plutôt point capital de la défense : on n’avait point retrouvé le coursier sous lui. Le noble animal avait pris la clé des champs et, après une promenade prolongée assez tard dans la nuit, était allé se réfugier dans l’écurie d’un parent de l’accusé, sans avertir personne. Y avait-il là de quoi faire condamner un homme ? Ne devait-on pas plutôt admirer l’instinct de ce cheval qui, au lieu de rentrer tout simplement chez son maître après son escapade, avait été finir la nuit sous un abri où l’attendait l’impunité ?

L’affaire me parut superbe.

— Peut-être, me dit mon collègue dans la défense, peut-être serait-il bon d’aller voir l’accusé, moi pour recueillir de nouveaux éclaircissements sur l’affaire, toi pour puiser un