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Son rêve, c’était de marier Caroline au fils d’un homme plus riche que lui. Mais ce n’était pas chose facile à trouver.

Il changeait chaque année son testament — à mesure que le patrimoine s’arrondissait — pour reculer davantage l’époque où ses enfants jouiraient enfin des écus qu’il avait amassés. Il voulait leur distribuer l’argent, après sa mort, avec autant de parcimonie que durant sa vie. S’il avait pu laisser s’accumuler sa fortune jusqu’à la cinquième ou à la sixième génération, il serait mort heureux et tranquille.

Son raisonnement d’ailleurs, n’était pas sans plausibilité :

— Mes petits enfants, disait-il, élevés par mes enfants dans le luxe, à même les rentes du bonhomme, auront plus besoin de secours que Caroline et Pierre. Il faut que les gens riches d’à présent évitent le sort de l’ancienne noblesse, qui n’a pas su conserver son patrimoine. Je ne veux pas qu’un Perret en soit réduit plus tard à compter sur une place du gouvernement pour vivre.

Tel était le beau-père que se destinait le docteur Blandy.

Le docteur Blandy se trouvait, pour ainsi dire, au sein de sa future famille ; il faisait face à M. Perret, il avait à sa droite Mme. Perret, et à sa gauche Mademoiselle.

— Quel superbe groupe ! se disait à elle-même Mademoiselle Aubé en l’observant de l’autre bout du salon ; il y a là l’intérêt, la sottise, la vanité et la coquetterie. Je serais curieuse d’entendre le dialogue.

Précisément, la conversation roulait sur Mademoiselle Aubé.

— Le docteur était en train de me démontrer que nous avions eu tort d’inviter Mademoiselle Aubé, dit Mme. Perret à son mari.

— J’avais des raisons particulières pour te presser de l’inviter, répondit M. Perret. D’abord, il ne fallait à aucun prix laisser croire à des sentiments de jalousie entre notre fille et cette petite ; puis, j’ai quelques affaires à régler avec M. Aubé,