dance, c’est le plaisir à jour fixe, c’est le bonheur à terme. Je veux prendre mon temps pour être heureuse ; je veux choisir mes jours pour être gaie comme je choisis ma société pour causer. Je n’aime pas la joie commandée d’avance ; elle est déjà refroidie quand on la goûte. L’imprévu est la première condition du plaisir. On s’amuse rarement là où l’on croit s’amuser ; on se plaît souvent là où l’on a craint de s’ennuyer. L’homme qu’on aime le mieux est celui qu’on connaît le moins, et il n’y a rien de charmant comme un indifférent un peu spirituel après un tête-à-tête avec l’objet aimé. Prôner d’avance un amusement, c’est imiter les gens qui vous préviennent qu’ils vont vous faire rire ; le rire ne vient pas, le plaisir non plus. Il faudrait arranger les choses de manière à ce qu’on pût s’amuser lorsque cela vous plaît, s’ennuyer lorsque cela ne vous déplaît pas. Mais les hommes, eux, ne savent ni s’amuser ni s’ennuyer. L’ennui, pris sans se presser, sans s’impatienter, à son aise, est pourtant une des plus douces choses de ce monde. L’unique valeur des choses humaines est dans le contraste. Comme un peu d’ennui fait du bien après trop de plaisir ! Comme la conversation monotone et sans surprises d’une personne sensée, repose après l’éblouissement d’une causerie spirituelle et semée d’éclairs ! Si la destinée s’arrangeait de manière à distribuer dans le cours de la vie les ennuis et les émotions, les plaisirs et les épreuves, en un ordre sans cesse varié, ce bas-monde serait vraiment trop agréable à habiter.
Il y avait bien des choses à répondre à cette série de paradoxes ; je plaidai de mon mieux la cause qui m’était confiée ; puis, la conversation prit une autre tournure. Changeant soudainement d’impression avec cette mobilité, cette inconstance qui forme un des charmes les plus vifs de la conversation des femmes, mon interlocutrice passa du paradoxe sceptique au paradoxe sentimental.
— C’est singulier, me dit-elle, mais il y a des jours, et