Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/91

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Pour supporter le froid de cet été glacial, il a fallu se couvrir de flanelles, se mettre des cache-nez et faire de grands feux dans les cheminées, le soir. On passait la journée à se réchauffer et la nuit à se refroidir. Je ne compte pas les gens transis, montrant en plein mois de juillet des nez rouges dignes de janvier ; mais j’ai positivement rencontré un touriste qui m’a avoué qu’il avait eu l’onglée pour s’être tenu durant deux heures, le soir, sous les fenêtres d’une jeune personne cruelle, dans l’attitude d’un cœur qui soupire.

À ces inconvénients exceptionnels de cette saison extraordinaire, il faut ajouter les ennuis ordinaires du séjour aux eaux. Remettons sous vos yeux deux tableaux bien connus.

Voici d’abord un père de famille arrivé par le bateau ou le chemin de fer, et suivi de sa femme et de trois ou quatre enfants. Le bébé, qui n’a point encore fait ses dents, a pleuré toute la route, accompagné en chœur par les deux ou trois autres qui ont laissé à la maison, qui son cerf-volant, qui sa bonne favorite. Le premier problème, c’est de trouver un gîte. Les hôtels sont pleins. Enfin, on trouve une petite chambre où l’on entasse la famille. Durant la nuit une voie d’eau se déclare dans le toit et arrose le groupe voyageur. Le mari regrette son bureau ; la femme son petit salon où il était si facile d’établir un courant d’air ; les enfants la grosse chatte blanche qui les égratignait de temps à autre. Pour les repas, c’est autre chose encore. Il est bien connu que ce qu’il y a de plus rare à la campagne, ce sont les fruits et les légumes. Les enfants demandent à grands cris des fraises, des framboises, des bluets, etc. Le maître d’hôtel répond qu’il en attend de la ville dans quelques jours. Force est à la mère, pour faire taire les cris des petits gourmands, de leur donner un pot de confitures de l’année dernière qu’elle avait eu le soin de mettre dans le fond de sa malle. Quant aux parents, ils s’escriment sur un vieux coq qui, après avoir longtemps triomphé sur tous les champs de combat ouverts à son espèce, a fini par mourir de