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Page:Fabre - La Plante (1876).djvu/240

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LA PLANTE

Je crains bien, mon cher enfant, que cet outillage de laboratoire, ballons de verre, bocaux renversés, appareils aspirateurs, cuvettes, ne soit pas pour vous d’une parfaite clarté ; simplifions alors l’expérience aux derniers degrés du possible. Rendons-nous à la mare voisine. Là, dans une eau stagnante, vit et prospère une population de tétards, qui se reposent au soleil sur le bord ou gagnent le large et frétillent par bandes ; de mollusques variés, qui rampent lentement sous le couvert de leurs coquilles ; de petits crustacés, qui nagent par bonds en choquant l’eau d’un coup de queue ; de larves, qui se font un étui en menus grains de sable ; de sangsues noires, qui s’embusquent pour happer les passants ; d’épinoches enfin, gracieux petits poissons qui, sur les flancs, portent une épine pour arme. Tous, tant qu’ils sont, respirent de l’oxygène, mais de l’oxygène dissous dans l’eau. Si le gaz vivifiant venait à manquer dans la mare, cette population infailliblement périrait. Un autre danger la menace : le lit des eaux est une vase noire, un amoncellement de matières en décomposition, feuilles pourries, déjections des habitants, animalcules morts. Cette couche de pourriture constamment dégage de l’acide carbonique, tout aussi mortel à respirer pour l’épinoche et le tétard que pour nous. Comment donc l’eau est-elle sans cesse débarrassée du gaz irrespirable et sans cesse enrichie de gaz vivifiant, afin que la population de la mare se conserve et prospère ?

La végétation aquatique remplit cette fonction d’assainissement : elle se nourrit de l’acide carbonique dissous, le décompose aux rayons du soleil et le remplace par de l’oxygène. La pourriture fait vivre la plante, et la plante fait vivre l’animal. Or parmi les espèces végétales préposées à la salubrité des eaux stagnantes, je vous citerai certaines algues, les conferves, délicats filaments verts qui tapissent le fond d’un velours serré ou nagent en flocons gélatineux. Dans un bocal plein d’eau,