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Page:Fabre - La Plante (1876).djvu/333

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FLEURS ET INSECTES

dans les folioles du périanthe. Effleurons ces filets très-légèrement de la pointe d’une aiguille ; nous les verrons soudain se dérouler, se redresser et secouer leurs anthères, d’où s’échappe un jet de poussière pollinique. Dans les grandes fleurs jaunes de la plante grasse vulgairement nommée figuier de Barbarie, les étamines sont au nombre de quelques centaines. En l’état d’épanouissement, elles sont étalées à peu près à angle droit avec l’axe de la fleur. Qu’un insecte en passant vienne à les effleurer, qu’un léger choc les ébranle, qu’un nuage intercepte tout à coup la lumière du soleil, et aussitôt elles se relèvent en tumulte entrechoquant leurs anthères d’où vole le pollen, elles se recourbent et se rejoignent en une voûte serrée au-dessus du pistil. La tranquillité revenue, elles s’étalent de nouveau pour se rassembler encore au moindre accident. Chaque fois, une pluie de pollen tombe sur le stigmate.

Les vents en balayant une prairie où croissent les plantes les plus variées, les insectes en butinant d’une fleur à l’autre sans distinction d’espèces, amènent nécessairement sur les stigmates des grains de pollen de toute nature. Le sainfoin reçoit le pollen du trèfle, le trèfle reçoit le pollen du froment. Que résulte-t-il de ces échanges entre les végétaux les plus disparates ? Il n’en résulte absolument rien : le pollen d’une espèce végétale est sans effet aucun sur les fleurs d’une autre espèce. Vainement, par exemple, on déposerait sur le stigmate du lis la poussière pollinique de la rose, ou sur le stigmate de la rose celle du lis ; si chaque fleur ne reçoit pas son propre pollen ou celui d’une fleur de même espèce, l’ovaire se fanera sans donner des semences fertiles.

Il faut à chaque espèce le pollen de son espèce, tout autre pollen reste aussi inactif que la poussière du grand chemin. Les recherches expérimentales les plus concluantes ont mis en pleine lumière l’inflexibilité de cette grande loi, qui sauvegarde les espèces contre toute profonde altération et les maintient aujourd’hui telles qu’elles