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Page:Fabre - Les Auxiliaires (1890).djvu/94

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RÉCITS DE L’ONCLE PAUL

Paul. — Non, mon ami ; ce sont des aigrettes de plumes, des panaches, qui donnent à l’oiseau une tournure plus belliqueuse. Ses oreilles ne se voient pas ; elles sont cachées par le plumage. Elles sont très larges et profondes ; aussi le grand-duc a-t-il l’ouïe d’une rare finesse.

Louis. — Le grand-duc mange les mulots et les rats, ce dont je lui suis reconnaissant ; mais il mange aussi les levrauts et les petits lapins. N’est-ce pas dommage ?

Paul. — Pour le chasseur, je ne dis pas ; pour l’agriculteur, c’est une autre affaire. Le lièvre et le lapin, ne l’oubliez pas, appartiennent à l’ordre des rongeurs ; ils ont d’infatigables incisives, qui n’épargnent rien dans les champs. S’ils se multipliaient en paix, ils menaceraient sérieusement nosTête de duc.
Tête de duc.
récoltes. L’histoire parle de pays tellement ravagés par les lapins, qu’il fallut envoyer une armée au secours des habitants pour exterminer la dévorante engeance. Nous n’en viendrons jamais là, j’en suis persuadé, mais enfin il n’est pas mauvais que le grand-duc, de concert avec le chasseur, maintienne l’espèce dans de prudentes limites. D’ailleurs l’oiseau est partout fort rare. C’est tout au plus si, dans l’année, un couple vient s’établir sur les montagnes de nos environs. Il faut un terrain de chasse très étendu à ces gros mangeurs pour ne pas s’affamer l’un l’autre.

Je trouve au grand-duc un tort plus grave. Quand son gibier préféré manque, campagnols, mulots et rats, il se rabat sur les chauves-souris, les couleuvres, les crapauds, les lézards, les grenouilles, et nous prive ainsi de quelques-uns de nos défenseurs. Une fois pour toutes, figurez-vous bien que, s’il y a des auxiliaires irréprochables, il n’en manque pas d’autres qui, à notre point de vue personnel, se rendent