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Il s’agit maintenant d’installer mes tuiles. Je tiens à les avoir à portée du regard, dans une situation qui me rende l’observation facile et m’épargne les petites misères d’autrefois : ascensions continuelles à l’échelle, longues stations sur un barreau de bois qui vous endolorit la plante des pieds, coups de soleil contre un mur devenu brûlant. Il faut d’ailleurs que mes hôtes se trouvent chez moi à peu près comme chez eux. Il est de mon devoir de leur faire la vie douce, si je veux qu’ils s’attachent au nouveau logis. J’ai précisément ce qui leur convient.

Sous une terrasse s’ouvre un large porche dont les flancs sont visités par le soleil tandis que le fond est à l’ombre. Il y a part pour tous : l’ombre pour moi, le soleil pour mes pensionnaires. Chaque tuile est armée d’un crochet en fort fil de fer et appendue contre la paroi, à la hauteur des yeux. Une moitié de mes nids est à droite, l’autre moitié est à gauche. Le coup d’œil de l’ensemble est assez original. Qui entre et pour la première fois voit mon étalage suppose d’abord des pièces de salaison, d’épaisses tranches de quelque lard exotique dont je hâte la dessiccation au soleil. L’erreur reconnue, on s’extasie devant ces ruches de mon invention. La nouvelle s’en répand dans le village et plus d’un en fait ses gorges chaudes. Je passe pour un apiculteur des abeilles bâtardes. Qui sait ce que cela doit me rapporter !

Avril n’est pas fini, que mes ruches sont en pleine activité. Au fort du travail, l’essaim forme une petite nuée tourbillonnante, pleine de murmures. Le porche est un passage fréquenté ; il conduit à une pièce où s’entreposent diverses provisions domestiques. Le personnel