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C’était le chat. Le lendemain je sus son histoire.

Amené chez M. Loriol, on l’enferma dans une chambre. Dès qu’il se vit prisonnier dans une pièce inconnue, le voilà qui bondit furieux sur les meubles, aux carreaux de vitre, parmi les décors de la cheminée, menaçant de tout saccager. Mme Loriol eut frayeur du petit affolé : elle se hâta d’ouvrir la fenêtre et l’animal bondit dans la rue, au milieu des passants. Quelques minutes après, il avait retrouvé sa maison. Et ce n’était pas chose aisée : il fallait traverser la ville dans une grande partie de sa largeur, il fallait parcourir un long dédale de rues populeuses, au milieu de mille périls, parmi lesquels les gamins d’abord et puis les chiens ; il fallait enfin, obstacle peut-être encore plus sérieux, franchir un cours d’eau, la Sorgue, qui passe à l’intérieur d’Avignon. Des ponts se présentaient, nombreux même, mais l’animal, tirant au plus court, ne les avait pas suivis et bravement s’était jeté à l’eau comme le témoignait sa fourrure ruisselante. J’eus pitié du matou, si fidèle au logis. Il fut convenu que tout le possible serait fait pour l’amener avec nous. Nous n’eûmes pas ce tracas : à quelques jours de là, il fut trouvé raide sous un arbuste du jardin. La vaillante bête avait été victime de quelque stupide méchanceté. On me l’avait empoisonné. Qui ? Probablement pas mes amis.

Restait le vieux. Il n’était pas là quand nous partîmes ; il courait aventures dans les greniers du voisinage. Dix francs d’étrennes furent promis au voiturier s’il m’amenait le chat à Orange, avec l’un des chargements qu’il avait encore à faire. À son dernier voyage, en effet, il l’amena dans le caisson de la voiture. Quand