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nant, traversent, sans paraître préoccupées, la zone frictionnée ; elles hésitent devant la zone jonchée de feuilles, puis passent outre.

Après ces deux expériences, celle du torrent qui lessive le sol, celle de la menthe qui en change l’odeur, il n’est plus permis, je crois, d’invoquer l’odorat comme guide des fourmis rentrant au nid par la voie suivie au départ. D’autres épreuves achèveront de nous renseigner.

Sans rien toucher au sol, j’étale maintenant en travers de la piste d’amples feuilles de papier, des journaux que je maintiens avec quelques petites pierres. Devant ce tapis, qui change complètement l’aspect de la route sans rien lui enlever de ce qui pourrait être odorant, les fourmis hésitent encore plus que devant tous mes autres artifices, même le torrent. Il leur faut des essais multipliés, des reconnaissances sur les côté, des tentatives en avant et des reculs réitérés, avant de se hasarder en plein sur la zone inconnue. La bande de papier est enfin franchie et le défilé reprend comme d’habitude.

Une autre embûche attend plus loin les Amazones. J’ai coupé la piste par une mince couche de sable jaune, le terrain lui-même étant grisâtre. Ce changement de coloration suffit seul pour dérouter un moment les fourmis, qui renouvellent ici, mais moins prolongées, leurs hésitations devant la zone de papier. Finalement, l’obstacle est franchi comme les autres.

Ma bande de sable et ma bande de papier n’ayant pas dissipé les effluves odorants dont la piste pourrait être imprégnée, il est d’évidence que, puisque les mêmes hésitations, les mêmes arrêts se reproduisent,