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razzia serait nécessaire pour exploiter à fond l’emplacement. Alors une seconde expédition a lieu, tantôt le lendemain, tantôt deux ou trois jours plus tard. Cette fois, la colonne ne cherche plus en route, elle va droit au gîte fertile en nymphes, et elle s’y rend exactement par la même voie déjà suivie. Il m’est arrivé d’avoir jalonné avec de petites pierres, sur une longueur d’une vingtaine de mètres, le chemin suivi une paire de jours avant, et de surprendre les Amazones en expédition par la même route, pierre par pierre. Elles vont passer par ici, elles vont passer par là, me disais-je d’après les cailloux de repère ; et, en effet, elles passaient ici, elles passaient là, longeant ma pile de cailloux, sans écart notable.

À plusieurs jours d’intervalle, est-il permis d’admettre la persistance d’émanations odorantes répandues sur le trajet ? Nul ne l’oserait. C’est donc bien la vue qui guide les Amazones, la vue servie par la mémoire des lieux. Et cette mémoire est tenace jusqu’à conserver l’impression le lendemain et plus tard ; elle est d’une fidélité scrupuleuse car elle conduit la colonne par le même sentier que la veille, à travers les accidents si variés du terrain.

Si les lieux lui sont inconnus, comment se comportera l’Amazone ? Outre la mémoire topographique, qui ne peut ici lui servir, la région où je la suppose étant encore inexplorée, la fourmi possèderait-elle la faculté directrice du Chalicodome, au moins dans de modestes limites, et pourrait-elle ainsi regagner sa fourmilière ou sa colonne en marche ?

Toutes les parties du jardin ne sont pas également visitées par la légion pillarde ; la partie nord est ex-