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l’insecte, deux localités peuvent maintenant se brouiller ; le premier reposoir peut être confondu avec le second. Où ira le Pompile ?

Nous allons le savoir : le voici quittant le terrier pour une nouvelle visite à l’araignée. Il accourt tout droit à la seconde touffe, où il cherche longtemps sa proie absente. Il sait très bien qu’elle était là, en dernier lieu, et non ailleurs ; il persiste à l’y chercher sans une seule fois s’aviser de revenir au premier reposoir. La première touffe de gazon ne compte plus pour lui, la seconde seule le préoccupe. Puis commencent des recherches aux environs.

Son gibier retrouvé sur le point dénudé où je l’avais mis moi-même, l’hyménoptère dépose rapidement l’araignée sur une troisième touffe de gazon, et l’épreuve recommence. Cette fois, c’est à la troisième touffe que le Pompile accourt sans hésitation, sans la confondre nullement avec les deux premières, qu’il dédaigne de visiter, tant sa mémoire est sûre. Je continue de la même façon une paire de fois encore, et l’insecte revient toujours au dernier reposoir, sans se préoccuper des autres. Je reste émerveillé de la mémoire de ce myrmidon. Il lui suffit d’avoir vu une fois, à la hâte, un point qui ne diffère en rien d’une foule d’autres, pour se le rappeler très bien, malgré sa préoccupation de mineur, acharné à son travail sous terre. Notre mémoire pourrait-elle toujours rivaliser avec la sienne ? C’est fort douteux. Accordons à la Fourmi rousse une mémoire pareille, et ses pérégrinations, ses retours au logis par la même voie n’auront plus rien d’inexplicable.