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sait dire aux faits ce qu’ils ne disaient pas ; il m’a paru que, pour obtenir la plaine, on abaissait la cime, l’homme, et l’on exhaussait la vallée, l’animal. À ce nivellement, je désirerais quelques preuves ; et n’en trouvant pas dans les livres, ou n’en trouvant que de douteuses, très sujettes à discussion, j’observe moi-même pour me former une conviction, je cherche, j’expérimente.

Pour parler sûrement, il convient de ne pas sortir de ce que l’on sait bien. Je commence à connaître passablement l’insecte depuis une quarantaine d’années que je le fréquente. Interrogeons l’insecte, non le premier venu, mais le mieux doué, l’hyménoptère. Je fais la part belle à mes contradicteurs. Où trouver l’animal plus riche de talents ? Il semble qu’en le créant, la nature s’est complu à donner la plus grande somme d’industrie à la moindre masse de matière. L’oiseau, le merveilleux architecte, peut-il comparer son travail avec l’édifice de l’Abeille, ce chef-d’œuvre de haute géométrie ? L’homme lui-même trouve en lui des émules. Nous bâtissons des villes, l’hyménoptère construit des cités ; nous avons des serviteurs, il a les siens ; nous élevons des animaux domestiques, il élève ses animaux à sucre ; nous parquons des troupeaux, il parque ses vaches laitières, les pucerons ; nous avons renoncé aux esclaves, lui continue sa traite des noirs.

Eh bien ! ce raffiné, ce privilégié, raisonne-t-il ? Lecteur, contenez votre sourire : c’est ici chose très grave, bien digne de nos méditations. S’occuper de la bête, c’est agiter l’interrogation qui nous tourmente : que sommes-nous ? D’où venons-nous ? Donc, que se passe-t-il dans ce petit cerveau d’hyménoptère ? Y a-t-il là des