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ment calme ou que le vent souffle, dans l’abri d’un épais fourré comme en plein air, je vois l’hyménoptère procéder au triage de l’aride et du succulent : je le vois rejeter les pattes, les ailes, la tête, le ventre, et ne garder que la poitrine pour la marmelade destinée aux larves. Que signifie alors ce dépècement en faveur de la raison, lorsque le vent souffle ? Il ne signifie rien du tout, car il aurait également lieu dans un calme parfait. Érasme Darwin s’est trop pressé dans sa conclusion, produit des vues de son esprit et nullement de la logique des choses. S’il s’était au préalable informé des habitudes de la Guêpe, il n’aurait pas donné comme argument sérieux un fait sans rapport aucun avec la grave question de la raison des bêtes.

Je suis revenu sur cet exemple pour montrer à quelles difficultés se heurte celui qui se borne à des observations fortuites, seraient-elles faites avec soin. Il ne convient pas de compter sur un heureux hasard, unique peut-être. Il faut multiplier les observations, les contrôler l’une par l’autre ; il faut provoquer les faits, s’enquérir de ceux qui suivent, démêler leur enchaînement ; alors, seulement alors, et avec beaucoup de réserve, il est permis d’émettre quelques vues dignes de foi. Je ne trouve nulle part des documents recueillis dans des conditions pareilles ; aussi, malgré tout mon désir, m’est-il impossible d’étayer, sur le témoignage d’autrui, le peu que j’ai reconnu moi-même.

Mes Chalicodomes, avec leurs nids appendus aux parois du porche dont j’ai parlé, se prêtaient à l’expérimentation suivie mieux que tout autre hyménoptère. Je les avais là, dans ma demeure, sous mes yeux à