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a reçu ration pareille ; mais elle l’a consommée dans l’obscurité d’une cellule ; et d’ailleurs, étant larve, elle était aveugle. Le regard ne l’a pas instruite de la masse des vivres. Resterait la mémoire de l’estomac qui a digéré. Mais cette digestion s’est faite il y a un an, et depuis cette lointaine époque le nourrisson, devenu adulte, a changé de forme, de demeure, de manière de vivre. C’était un ver, c’est une abeille. L’insecte actuel a-t-il souvenir de ce repas de l’enfance ? Pas plus que nous des gorgées de lait puisées au sein maternel. L’abeille ne sait donc rien de la quantité de vivres nécessaires à sa larve, ni par le souvenir, ni par l’exemple, ni par l’expérience acquise. Quel est alors son guide pour jauger la pâtée avec tant de précision ? Le jugement et la vue laisseraient la mère très perplexe, exposée à donner trop ou pas assez. Pour la renseigner, sans erreur possible, il faut une prédisposition spéciale, une impulsion inconsciente, un instinct, voix intérieure qui dicte la mesure.