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Le tueur a bien la science que je lui soupçonnais : il s’est adressé au centre vital par excellence, il a piqué de ses crochets à venin les ganglions cervicaux de l’insecte. Enfin, il a mordu le seul point dont la lésion puisse amener la soudaineté de mort. J’étais ravi de ce savoir assassin ; j’étais dédommagé de mon épiderme rôti au soleil.

Une fois n’est pas coutume. Ce que je viens de voir, est-ce hasard, est-ce coup prémédité ? Je m’adresse à d’autres Lycoses. Beaucoup, beaucoup trop pour ma patience, se refusent obstinément à bondir hors de leur repaire pour attaquer le Xylocope. Le formidable gibier en impose à leur audace. La faim, qui fait sortir le loup du bois, ne peut-elle faire sortir aussi la Tarentule de son trou ? Deux, en effet, plus affamées apparemment que les autres, s’élancent enfin sur l’hyménoptère et répètent sous mes yeux la meurtrière scène. Mordue encore à la nuque, exclusivement à la nuque, la proie meurt à l’instant. Trois meurtres, dans des conditions identiques, opérés sous mes regards, tel fut le fruit de mon expérimentation poursuivie, pendant deux séances, de huit heures du matin à midi.

J’en avais assez vu. Le rapide tueur venait de m’enseigner son métier comme autrefois le paralyseur : il venait de m’apprendre qu’il possède à fond l’art de l’abatteur de bœufs des Pampas. La Tarentule est un desnucador accompli. Il me restait à confirmer l’expérience en plein champ par l’expérience de cabinet. Je me montai donc une ménagerie de ces Crotales pour juger de la virulence de leur venin et de son effet suivant la partie du corps atteinte par les crochets. Une douzaine de flacons et d’éprouvettes reçurent isolément