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trépidations, signe de quelque gibier, la Ségestrie attend immobile, à l’entrée du goulot de son entonnoir, qu’un insecte vienne s’empêtrer dans le piège. De grosses mouches, des Éristales, qui effleurent de l’aile étourdiment quelque fil des rets, sont ses habituelles victimes. Aux trémoussements du diptère enlacé, l’Aranéide accourt ou même bondit, mais alors retenue par un cordon qui s’échappe de la filière et dont le bout est fixé au tube de soie. Ainsi est prévenue la chute dans un élan sur une surface verticale. Mordu en arrière de la tête, l’Éristale succombe à l’instant, et la Ségestrie l’emporte dans son repaire.

Avec pareille méthode et pareils engins de chasse, une embuscade au fond d’un gouffre de soie, des lacs rayonnants, un fil de sûreté qui retient le chasseur par l’arrière et permet le brusque élan sans risque d’une chute, la Ségestrie peut faire capture d’un gibier moins inoffensif qu’un Éristale. Une Guêpe, dit-on, ne l’intimide pas. Sans en avoir fait l’épreuve, volontiers je le crois, renseigné comme je le suis sur l’audace de l’Aranéide.

Cette audace est secondée par l’activité du venin. Il suffit d’avoir vu la Ségestrie prendre quelque mouche de grande taille pour être convaincu du foudroyant effet de ses crochets sur les insectes mordus à la nuque. La mort de l’Éristale, empêtré dans l’entonnoir de soie, est la mort soudaine du Bourdon, pénétrant dans le terrier de la Tarentule. L’effet sur l’homme nous est connu par les recherches de A. Dugès. Ecoutons le courageux expérimentateur.

« La Ségestrie perfide ou grande Araignée des caves, réputée venimeuse dans nos pays, a été choisie, dit-il,