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Au drame de la bataille succède la comédie de la caserne. Il nous dit les mystères du rata, les secrets de la gamelle, les comiques misères du bloc. Et comme le répertoire ne s’épuise jamais, assaisonné d’expressions à l’emporte-pièce, l’heure du souper arrive avant que nul de nous ait eu le temps de s’apercevoir combien la soirée est longue.

Favier s’est révélé à mon attention par un coup de maître. Un de mes amis venait de m’envoyer de Marseille une paire d’énormes crabes, le Maïa, l’Araignée de mer des pêcheurs. Je déballais les captifs quand les ouvriers rentrèrent de leur dîner, peintres, maçons, plâtriers occupés à restaurer la masure abandonnée. À la vue de ces étranges bêtes, étoilées de dards autour de la carapace, et hissées sur de longues pattes, qui leur donnent quelque ressemblance avec une monstrueuse araignée, ce fut parmi les assistants un cri de surprise, presque d’effroi. Favier, lui, n’en a cure, et saisissant avec adresse l’effroyable araignée qui se démène : « Je connais ça, dit-il ; j’en ai mangé à Varna. C’est excellent. » — Et il regardait l’entourage avec un certain air narquois qui voulait dire : Vous n’êtes jamais sortis de votre trou.

Un autre trait de lui pour en finir. Sur l’avis du médecin, une de ses voisines avait été prendre des bains de mer à Cette. Elle avait rapporté de son expédition quelque chose de curieux, un fruit étrange sur lequel elle basait de hautes espérances. Secoué devant l’oreille, cela sonnait, preuve des graines contenues. C’était rond, avec des épines. À un bout se montrait comme le bouton fermé d’une fleurette blanche ; à l’autre bout, une légère dépression était percée de quelques trous. La