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un frisson d’appréhension me courir sur le corps.

Et cependant, pour mettre en son jour la question qui m’amène ici, il faut nécessairement pénétrer dans le redoutable essaim, il me faut me tenir des heures entières, tout le jour peut-être, en observation devant les travaux que je vais bouleverser ; et, la loupe à la main, scruter, impassible au milieu du tourbillon furieux, ce qui se passe dans les cellules. L’emploi d’un masque, de gants, d’enveloppes quelconques, n’est pas d’ailleurs praticable, car toute la dextérité des doigts et toute la liberté de la vue sont nécessaires pour les recherches que j’ai à faire. N’importe : devrais-je sortir de ce guêpier le visage tuméfié, méconnaissable, il me faut aujourd’hui une solution décisive au problème qui m’a trop longtemps préoccupé.

Quelques coups de filet, en dehors de l’essaim, sur les Anthophores se rendant à la récolte ou en revenant, m’ont bientôt appris que les larves de Sitaris sont campées sur le thorax, comme je m’y attendais, et y occupent la même place que sur les mâles. Les circonstances sont donc on ne peut plus favorables, et sans plus tarder visitons les cellules.

Mes dispositions sont aussitôt prises : je serre étroitement mes habits pour ne laisser aux abeilles que le moins de prise possible, et je m’engage au milieu de l’essaim. Quelques coups de pioche, qui éveillent dans le murmure des Anthophores un crescendo peu rassurant, m’ont bientôt mis en possession d’une motte de terre ; et je fuis à la hâte, tout étonné de me trouver encore sain et sauf et de ne pas être poursuivi. Mais la motte de terre que je viens de détacher est trop superficielle, elle ne contient que des cellules d’Osmie, où je n’ai rien