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rées. Continuer l’éducation en domesticité afin de suivre jour par jour les progrès de mon élève, était affaire que je ne pouvais négliger, et du reste, à ce qu’il me paraissait, d’exécution facile. J’avais la main exercée à ce métier de père nourricier ; la fréquentation des Bembex, des Ammophiles, des Sphex et tant d’autres avait fait de moi un éducateur passable. Je n’étais pas novice dans l’art de diviser une vieille boîte à plumes en loges où je déposais un lit de sable, et sur ce lit la larve et ses provisions délicatement déménagées de la cellule maternelle. Chaque fois, le succès était à peu près certain ; j’assistais aux repas des larves, je voyais mes nourrissons grandir, puis filer leurs cocons. Fort de l’expérience acquise, je comptais donc sur la réussite dans l’élevage des Eumènes.

Les résultats cependant ne répondaient pas du tout à mes espérances ; toutes mes tentatives échouaient ; la larve se laissait piteusement mourir sans toucher à ses vivres.

Je mettais l’échec sur le compte de ceci, de cela, d’autre chose : j’avais peut-être contusionné le tendre ver en démolissant la forteresse ; un éclat de maçonnerie l’avait meurtri quand je forçais du couteau la dure coupole ; une insolation trop vive l’avait surpris quand je le retirais de l’obscurité de sa cellule ; l’air du dehors pouvait avoir tari sa moiteur. À toutes ces causes probables d’insuccès, je remédiais de mon mieux. Je procédais à l’effraction du logis avec toute la prudence possible, je projetais mon ombre sur le nid pour éviter au ver un coup de soleil, je transvasais aussitôt provisions et larve dans un tube de verre, je mettais ce tube dans une boîte que je portais à la main pour adoucir le