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d’elles, avant que les provisions fussent entamées, j’ai compté vingt-quatre pièces ; dans chacune des deux autres, également intactes, j’en ai compté vingt-deux. Réaumur ne trouvait que huit à douze pièces dans le garde-manger de son Odynère ; et L. Dufour, dans le magasin à vivres de la sienne, constatait une brochée de dix à douze. La mienne exige la double douzaine, deux fois plus, ce qui peut s’expliquer par un gibier de moindre taille. Aucun hyménoptère déprédateur à ma connaissance, à part les Bembex, qui approvisionnent au jour le jour, n’approche de cette prodigalité en nombre. Deux douzaines de vermisseaux pour le repas d’un seul. Que nous sommes loin de l’unique chenille de l’Ammophile hérissée ; quelles délicates précautions doivent être prises pour la sécurité de l’œuf au milieu de cette foule ! Une scrupuleuse attention est ici nécessaire si nous voulons bien nous rendre compte des dangers auxquels l’œuf de l’Odynère est exposé et des moyens qui le tirent de péril.

Et d’abord, le gibier, quel est-il ? Il consiste en vermisseaux de la grosseur d’une aiguille à tricoter et d’une longueur un peu variable. Les plus grands mesurent un centimètre. La tête est petite, d’un noir intense et luisant. Les anneaux sont dépourvus de pattes, soit vraies, soit fausses comme celles des chenilles ; mais tous, sans exception, sont munis, pour organes ambulatoires, d’une paire de petits mamelons charnus. Ces vermisseaux, quoique de même espèce d’après l’ensemble des caractères, varient de coloration. Ils sont d’un vert pâle, jaunâtre, avec deux larges bandes longitudinales d’un rose tendre chez les uns, d’un vert plus ou moins foncé chez les autres. Entre