Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/122

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courte épaisseur, tout noir avec des galons rouges aux cuisses de derrière ; celui-ci grisâtre, fluet, élancé, à petite tête conique, bondissant par la soudaine détente de ses longues jambes postérieures et continuant cet essor avec des ailes plissées en éventail. Comparez-les après tous les deux avec l’éphippigère, qui porte sur le dos son instrument de musique, deux aigres cymbales en forme d’écailles concaves, et qui traîne lourdement son ventre obèse, annelé de vert tendre et de jaune beurre, avec une longue dague au bout ; mettez en parallèle ces trois espèces, et convenez avec moi que, pour se guider dans des choix aussi dissemblables, sans néanmoins sortir du même ordre entomologique, il faut aux Sphex un coup d’œil connaisseur que l’homme, non le premier venu, mais l’homme de science, ne désavouerait pas.

Devant ces prédilections singulières, qui semblent avoir reçu leurs limites de quelque législateur en classification, d’un Latreille par exemple, il devient intéressant de rechercher si les Sphex étrangers à notre pays chassent un gibier de même ordre. Par malheur ici les documents sont rares, et pour la plupart des espèces font même totalement défaut. Cette regrettable lacune a pour cause, avant tout, la superficielle méthode généralement adoptée. On prend un insecte, on le transperce d’une longue épingle, on le fixe dans la boîte à fond de liège, on lui met sous les pattes une étiquette avec un nom latin, et tout est dit sur son compte. Cette manière de comprendre l’histoire entomologique ne me satisfait pas. Vainement on me dira que telle espèce a tant d’articles aux antennes, tant de nervures aux ailes, tant de poils en une région du ventre ou du thorax ; je ne connaîtrai réellement la bête que lorsque je saurai sa manière de vivre, ses instincts, ses mœurs.

Et voyez quelle lumineuse supériorité un renseigne-