Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/128

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ailes jaunes a été surpris par lui traînant un acridien. Est-ce là un fait accidentel comme celui dont j’ai été témoin sur les bords du Rhône ? Est-ce l’exception, est-ce la règle ? Les grillons manqueraient-ils dans la campagne d’Oran, et l’hyménoptère les remplacerait-il par des acridiens ? La force des choses m’impose de faire la question sans y trouver de réponse.

C’est ici le lieu d’intercaler certain passage que je puise dans l’Introduction à l’Entomologie de Lacordaire, et contre lequel il me tarde de protester. Le voici : « Darwin, qui a fait un livre exprès pour prouver l’identité du principe intellectuel qui fait agir l’homme et les animaux, se promenant un jour dans son jardin, aperçut à terre, dans son allée, un Sphex qui venait de s’emparer d’une mouche presque aussi grosse que lui. Darwin le vit couper avec ses mandibules la tête et l’abdomen de sa victime, en ne gardant que le thorax, auquel étaient restés attachées les ailes, après quoi il s’envola ; mais un souffle de vent, ayant frappé dans les ailes de la mouche, fit tourbillonner le Sphex sur lui-même et l’empêchait d’avancer ; là-dessus, il se posa de nouveau dans l’allée, coupa une des ailes de la mouche, puis l’autre, et, après avoir ainsi détruit la cause de son embarras, reprit son vol avec le reste de sa proie. Ce fait porte les signes manifestes du raisonnement. L’instinct pourrait avoir porté ce Sphex à couper les ailes de sa victime avant de la porter dans son nid, ainsi que le font quelques espèces du même genre ; mais ici il y eut une suite d’idées et de conséquences de ces idées, tout à fait inexplicables si l’on n’admet pas l’intervention de la raison ».

Il manque à ce petit récit, qui si légèrement accorde la raison à un insecte, je ne dirai pas la vérité, mais même la simple vraisemblance, non dans l’acte lui-même, que j’admets sans réserve aucune, mais dans