Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/138

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en tirer avantageusement profit. Il faut sur-le-champ improviser son petit matériel d’expérimentation, combiner ses plans, dresser sa tactique, imaginer ses ruses ; trop heureux encore si l’inspiration arrive assez prompte pour vous permettre de tirer parti de la chance offerte. Cette chance, d’ailleurs, ne se présente guère qu’à celui qui la recherche. Il faut l’épier patiemment des jours et puis des jours, ici sur des pentes sablonneuses exposées à toutes les ardeurs du soleil, là dans l’étuve de quelque sentier encaissé entre de hautes berges, ailleurs sur quelque corniche de grès dont la solidité n’inspire pas toujours confiance. S’il vous est donné de pouvoir établir votre observatoire sous un maigre olivier, qui fait semblant de vous protéger contre les rayons d’un soleil implacable, bénissez le destin qui vous traite en sybarite : votre lot est un Eden. Surtout, ayez l’œil au guet. L’endroit est bon, et qui sait ? d’un moment à l’autre l’occasion peut venir.

Elle est venue, tardive il est vrai : mais enfin elle est venue. Ah ! si l’on pouvait maintenant observer à son aise, dans le calme de son cabinet d’étude, isolé, recueilli, tout à son sujet, loin du profane passant, qui s’arrêtera, vous voyant si préoccupé en face d’un point où lui-même ne voit rien, vous accablera de questions, vous prendra pour quelque découvreur de sources avec la baguette divinatoire de coudrier, ou, soupçon plus grave, vous considérera comme un personnage suspect, retrouvant sous terre, par des incantations, les vieilles jarres pleines de monnaie ! Si vous conservez à ses yeux tournure de chrétien, il vous abordera, regardera ce que vous regardez, et sourira de façon à ne laisser aucune équivoque sur la pauvre idée qu’il se fait des gens occupés à considérer des mouches. Trop heureux serez-vous si le fâcheux visiteur, riant de vous en sa barbe, se retire enfin sans apporter ici le désordre,