Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/160

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du Sphex, piquées d’abord de l’aiguillon à la poitrine. En faisant la part de cette importante condition, on voit que je n’ai pas été trop mauvais élève, et que j’ai assez bien imité mon maître en physiologie, le Sphex.

Ce n’est pas sans une certaine satisfaction, je l’avoue, que je suis parvenu à faire presque aussi bien que l’animal.

Aussi bien ? Qu’ai-je dit là ! Attendons un peu et l’on verra que j’ai longtemps encore à fréquenter l’école du Sphex. Voici qu’en effet mes deux opérées ne tardent pas à mourir, ce qui s’appelle mourir ; et au bout de quatre à cinq jours, je n’ai plus sous les yeux que des cadavres infects. – Et l’Éphippigère du Sphex ? – Est-il besoin de le dire : l’Éphippigère du Sphex, dix jours même après l’opération, est dans un état de fraîcheur parfaite, comme l’exigerait la larve à laquelle la proie était destinée. Bien mieux : quelques heures seulement après l’opération sous le crâne, ont reparu, comme si rien ne s’était passé, les mouvements sans ordre des pattes, des antennes, des palpes, de l’oviscapte, des mandibules ; en un mot l’animal est revenu dans l’état où il était avant que le Sphex lui eût mordu le cerveau. Et ces mouvements se sont maintenus depuis, mais affaiblis chaque jour davantage. Le Sphex n’avait plongé sa victime que dans un engourdissement passager, d’une durée largement suffisante pour lui permettre de l’amener au logis sans résistance ; moi, qui croyais être son émule, je n’ai été qu’un maladroit et barbare charcutier : j’ai tué les miennes. Lui, avec sa dextérité inimitable, a savamment comprimé le cerveau pour amener une léthargie de quelques heures ; moi, brutal par ignorance, j’ai peut-être écrasé sous mes pinces ce délicat organe, premier foyer de la vie. Si quelque chose peut m’empêcher de rougir de ma défaite, c’est ma conviction que bien peu, s’il y en a, pourraient lutter d’habileté avec ces habiles.