Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/171

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souvent ses visites. Postée à proximité des terriers, sur quelque broussaille, elle attend que le hasard mette à sa portée quelques-uns des arrivants, capture double pour elle, qui saisit à la fois le chasseur et son gibier. Sa patience est longuement mise à l’épreuve : l’Hyménoptère se méfie, se tient sur ses gardes ; mais enfin, de loin en loin, quelque étourdi se laisse prendre. D’un soudain bruissement d’ailes à demi étalées par une sorte de détente convulsive, la Mante terrifie l’approchant, qui, dans sa frayeur, un instant hésite. Aussitôt, avec la brusquerie d’un ressort, l’avant-bras dentelé se replie sur le bras également dentelé, et l’insecte est saisi entre les lames de la double scie. On dirait les mâchoires d’un traquenard à loups se refermant sur la bête qui vient de mordre à l’appât. Sans desserrer la féroce machine, la Mante, à petites bouchées, grignote alors sa capture. Telles sont les extases, les patenôtres, les méditations mystiques du Prégo Diéou.

Des scènes de carnage que la Mante religieuse a laissées dans mes souvenirs, relatons celle-ci. La chose se passe devant un chantier de Philanthes apivores. Ces fouisseurs nourrissent leurs larves avec des Abeilles domestiques, qu’ils vont saisir sur les fleurs au moment de la récolte du pollen et du miel. Si le Philanthe qui vient de faire capture sent son Abeille gonflée de miel, il ne manque guère, avant de l’emmagasiner, de lui presser le jabot, soit en chemin, soit sur la porte du logis, pour lui faire dégorger la délicieuse purée, dont il s’abreuve en léchant la langue de la malheureuse, qui, agonisante, l’étale dans toute sa longueur hors de la bouche. Cette profanation d’un mourant, dont le meurtrier presse le ventre pour le vider et faire régal du contenu, a quelque chose de hideux dont je ferais un crime au Philanthe si la bête pouvait avoir tort. En pareil moment d’horrible régal, j’ai vu l’Hyménoptère, avec sa proie, saisi par la