pluie a cessé, le ciel est superbe et promet une admirable journée.
Pendant l’ascension, quelques-uns éprouvent une sorte de mal au cœur, dont la cause est d’abord la fatigue et en second lieu la raréfaction de l’air. Le baromètre a baissé de 140 millimètres ; l’air que nous respirons est d’un cinquième moins dense, et par conséquent d’un cinquième moins riche en oxygène. Dans l’état de bien-être, cette modification de l’air, trop peu considérable, passerait inaperçue ; mais venant s’ajouter aux fatigues de la veille et à l’insomnie, elle aggrave notre malaise. On monte donc avec lenteur, les jarrets brisés, le souffle haletant. De vingt pas en vingt pas, plus d’un est obligé de faire halte. Enfin nous y voici. On se réfugie dans la rustique chapelle de Sainte-Croix, pour reprendre haleine et combattre le froid piquant du matin par une accolade à la gourde, dont cette fois on épuise les flancs. Bientôt, le soleil se lève. Jusqu’aux extrêmes limites de l’horizon, le Ventoux projette son ombre triangulaire, dont les côtés s’irisent de violet par l’effet des rayons diffractés. Au sud et à l’ouest s’étendent des plaines brumeuses, où, lorsque le soleil sera plus haut, nous pourrons distinguer le Rhône, ainsi qu’un fil d’argent. Au nord et à l’est s’étale sous nos pieds une couche énorme de nuages, sorte d’océan de blanche ouate d’où émergent, comme des îlots de scories, les sommets obscurs des montagnes inférieures. Quelques cimes, avec leurs traînées de glaciers, resplendissent du côté des Alpes.
Mais la plante nous réclame ; arrachons-nous à ce magique spectacle. L’époque de notre ascension, en août, était un peu tardive ; pour bien des plantes, la floraison était passée. Voulez-vous faire une herborisation vraiment fructueuse ? Soyez ici dans la première quinzaine de juillet, et surtout devancez l’apparition des troupeaux sur ces hauteurs : où le mouton a brouté