Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/221

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mais dans leur position, c’est autre chose. En laissant de côté les Chenilles arpenteuses de l’Ammophile soyeuse, je trouve, dans le gibier des autres, l’organisation suivante, en comptant la tête pour premier segment trois paires de pattes vraies placées sur les anneaux deux, trois, et quatre ; quatre paires de pattes membraneuses placées sur les anneaux sept, huit, neuf et dix ; enfin une dernière paire de pattes membraneuses placées sur le treizième et dernier anneau. En tout huit paires de pattes, dont les sept premières forment deux groupes puissants, l’un de trois, l’autre de quatre paires. Ces deux groupes sont séparés par deux segments sans pattes, qui sont précisément le cinquième et le sixième.

Maintenant, pour enlever à la Chenille ses moyens d’évasion, pour la rendre immobile, l’Hyménoptère ira-t-il darder son stylet dans chacun des huit anneaux pourvus d’organes locomoteurs ? Prendra-t-il surtout ce luxe de précautions quand la proie est petite, toute faible ? Non certes : un seul coup d’aiguillon suffira ; mais il sera donné en un point central, d’où la torpeur produite par la gouttelette venimeuse puisse se propager peu et peu, dans le plus bref délai possible, au sein des segments munis de pattes. Le segment à choisir pour cette unique inoculation n’est donc pas douteux : c’est le cinquième ou le sixième, séparant les deux groupes d’anneaux locomoteurs. Le point indiqué par les déductions rationnelles est donc aussi le point adopté par l’instinct.

Disons enfin que l’œuf de l’Ammophile est invariablement déposé sur l’anneau rendu insensible. En ce point, et en ce point seul, la jeune larve peut mordre sans provoquer des contorsions compromettantes ; où la piqûre de l’aiguille ne produit rien, la morsure du vermisseau ne produira pas davantage. La proie restera ainsi immobile jusqu’à ce que le nourrisson ait pris des