Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/227

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d’où, et s’abat sans recherches préalables, sans hésitation aucune, en un point qui, pour mes regards, ne diffère en rien du reste de la surface sablonneuse. Avec ses tarses antérieurs qui, armés de robustes rangées de cils, rappellent à la fois le balai, la brosse et le râteau, il travaille à déblayer sa demeure souterraine. L’insecte se tient sur les quatre pattes postérieures, les deux de derrière un peu écartées ; celles de devant, à coups alternatifs, grattent et balaient le sable mobile. La précision et la rapidité de la manœuvre ne seraient pas plus grandes si quelque ressort animait le moulinet des tarses. Le sable, lancé en arrière sous le ventre, franchit l’arcade des jambes postérieures, jaillit en un filet continu semblable à celui d’un liquide, décrit sa parabole et va retomber à deux décimètres plus loin. Ce jet poudreux, toujours également nourri, des cinq et des dix minutes durant, démontre assez l’étourdissante rapidité des outils en action. Je ne pourrais citer un second exemple de pareille prestesse, qui n’enlève rien néanmoins à la grâce dégagée, à la liberté d’évolution de l’insecte, avançant et reculant d’un côté puis de l’autre, sans discontinuer la parabole de son jet.

Le terrain creusé est des plus mouvants. À mesure que l’Hyménoptère creuse, le sable voisin s’éboule et comble la cavité. Dans l’éboulis sont compris de menus débris de bois, des queues de feuilles pourries, des grains de gravier plus volumineux que les autres. Le Bembex les enlève avec les mandibules et les porte plus loin à reculons ; puis il revient balayer, mais toujours peu profondément, sans tentatives pour s’enfoncer en terre. Quel est son but en ce travail tout à la surface ? Il serait impossible de le dire d’après ce premier coup d’œil ; mais ayant passé bien des journées avec mes chers Hyménoptères, et groupant en un faisceau les données éparses de mes observations, je crois entrevoir le motif des manœuvres actuelles.