Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/316

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point où était l’autre, l’Abeille s’établit sans hésitation. Si elle construisait, je lui offre une cellule en voie de construction. Elle y continue le travail de maçonnerie avec le même soin, le même zèle, que si l’ouvrage déjà fait était son propre ouvrage. Si elle apportait miel et pollen, je lui offre une cellule en partie approvisionnée. Ses voyages se continuent, avec miel dans le jabot et pollen sous le ventre, pour achever de garnir le magasin d’autrui.

L’Abeille ne soupçonne donc pas l’échange ; elle ne distingue pas ce qui est sa propriété et ce qui ne l’est pas ; elle croit toujours travailler à la cellule vraiment sienne. Après l’avoir laissée en possession un certain temps du nid étranger, je lui rends le sien. Ce nouveau changement est incompris de l’Hyménoptère : le travail se poursuit dans la cellule rendue, au point où il était dans la cellule substituée. Puis, second remplacement par le nid étranger ; et même persistance de l’insecte à y continuer son ouvrage. Alternant ainsi, toujours à la même place, tantôt le nid d’autrui, tantôt le nid propre de l’Abeille, je me suis convaincu, à satiété, que l’Hyménoptère ne peut faire de différence entre ce qui est son œuvre et ce qui ne l’est pas. Que la cellule lui appartienne ou non, il y travaille avec ferveur pareille, pourvu que le support de l’édifice, le galet, occupe toujours le primitif emplacement.

On peut donner à l’épreuve intérêt plus vif, en mettant à profit deux nids voisins dont le travail soit à peu près également avancé. Je les transporte l’un à la place de l’autre. La distance en est d’une coudée à peine. Malgré ce voisinage si rapproché, qui permet à l’insecte d’apercevoir à la fois les deux domiciles et de choisir entre eux, les deux Abeilles, à leur arrivée, se posent à l’instant chacune sur le nid substitué et y continuent leur ouvrage. Alternons les deux nids autant de fois que bon nous semblera, et nous verrons les deux