Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/94

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succès serait de l’audace, encore de l’audace et toujours de l’audace ? L’usurpateur certes n’en manquait pas. Je le vois encore, avec un calme imperturbable, aller et venir devant le débonnaire Sphex, qui trépigne d’impatience sur place mais sans oser fondre sur le pillard.

Ajoutons qu’en d’autres circonstances, à diverses reprises, j’ai trouvé le même hyménoptère, parasite présumé, enfin le Tachyte noir, traînant un Grillon par une antenne. Était-ce un gibier légitimement acquis ? J’aimerais à le croire ; mais les allures indécises de l’insecte qui s’en allait vagabondant par les ornières des chemins, comme à la recherche d’un terrier à sa convenance, m’ont toujours laissé des soupçons. Je n’ai jamais assisté à ses travaux de fouille, s’il se livre en réalité aux fatigues de l’excavation. Chose plus grave : je l’ai vu abandonner son gibier à la voirie, ne sachant peut-être qu’en faire, faute d’un terrier où le déposer. Pareil gaspillage me semble indice de bien mal acquis, et je me demande si le Grillon ne provient pas d’un larcin fait au Sphex à l’instant où celui-ci abandonne sa proie sur le seuil de sa porte. Mes soupçons planent également sur le Tachytes obsoleta, ceinturé de blanc à l’abdomen comme le Sphex albisecta, et qui nourrit ses larves avec des Criquets pareils à ceux que chasse ce dernier. Je ne l’ai jamais vu creuser des galeries, mais je l’ai surpris traînant un Criquet que n’aurait pas désavoué le Sphex. Cette identité des provisions de bouche dans des espèces de genres différents me donne à réfléchir sur la légitimité du butin. Disons enfin, pour réparer en partie les atteintes que mes soupçons pourraient porter à la réputation du genre, que j’ai été témoin oculaire de la capture très-loyale d’un petit Criquet encore sans ailes par le Tachytes tarsina ; que j’ai vu celui-ci creuser des cellules et les approvisionner avec une proie vaillamment acquise.