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Page:Fabre - Souvenirs entomologiques edition7 Serie 9.djvu/105

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LES ÉPEIRES

Je tenais à savoir si, dans le tumulte de bruits insolites, l’Araignée hésite, commet des erreurs. Travaille-t-elle imperturbable ? lui faut-il se recueillir dans le calme ? Je sais déjà que ma présence et mon luminaire ne l’émeuvent guère. Les éclairs soudains que lui projette ma lanterne ne parviennent pas à la distraire de sa besogne. Comme elle tournait dans l’obscur, elle continue de tourner dans la lumière, ni plus vite, ni plus lentement. C’est de bon augure pour l’expérience que je médite.

Le premier dimanche du mois d’août est la fête patronale du village, la fête de saint Étienne le lapidé. Nous sommes au mardi, troisième jour des réjouissances. Ce soir, à neuf heures, doit se tirer le feu d’artifice, terminaison des liesses. Les choses vont se passer précisément sur la grand’route, devant ma porte, à quelques pas du point où travaille mon Araignée. La filandière en est à sa grande spirale juste au moment où les édiles arrivent, avec tambour, fanfare et galopins porteurs de torches en résine.

Plus curieux de psychologie animale que de spectacle pyrotechnique, je suis, lanterne en main, les actes de l’Épeire. Le brouhaha de la foule, les détonations des boîtes, les pétarades de paquets de serpenteaux éclatant dans les airs, le sifflement des fusées, la pluie d’étincelles, les soudains éclairs blancs, rouges ou bleus, rien n’émeut la travailleuse, qui méthodiquement vire et revire comme elle le fait dans le calme des soirées ordinaires.

Autrefois, l’artillerie que je faisais tonner sous les platanes ne troublait pas le concert des Cigales ; aujourd’hui, les éblouissements des roues d’artifice et le