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LES ÉPEIRES

rale, un gibier vient donner dans le piège encore incomplet. L’Épeire suspend son travail, accourt à l’étourdi, l’enveloppe et s’en repaît sur place. Pendant la lutte, un segment de la nappe s’est déchiré sous les yeux mêmes de l’ourdisseuse. Un ample vide compromet le bon fonctionnement du filet. Que va faire l’Araignée devant ce fâcheux accroc ?

C’est le moment ou jamais de rétablir les fils rompus : l’accident vient de se passer à l’instant même, entre les pattes de la bête ; il est connu à coup sûr, et de plus la corderie est en pleine fonction. Cette fois est hors de cause l’épuisement de l’entrepôt de soie.

Eh bien, dans ces conditions, très favorables au ravaudage, l’Épeire ne raccommode nullement. Elle rejette sa proie après en avoir humé quelques gorgées, et reprend sa spirale au point où elle avait interrompu son travail pour courir sus à la Phalène prise. La partie déchirée restera ce qu’elle est. La navette gouvernée par des rouages mécaniques ne revient pas sur le tissu détérioré ; ainsi de l’Araignée travaillant sa toile.

Et ce n’est pas ici distraction, individuelle incurie ; chez toutes les grandes filandières se retrouve semblable inaptitude à rapiécer. L’Épeire fasciée et l’Épeire soyeuse sont à remarquer sous ce rapport. L’angulaire refait en entier sa toile presque tous les soirs ; celles-ci ne les recommencent que de loin en loin et l’utilisent encore bien que très délabrée. Elles continuent de chasser avec des loques informes. Pour les décider à tisser une nouvelle nappe, il faut que l’ancienne soit une ruine méconnaissable.

Or, bien des fois, il m’est arrivé de noter l’état de l’une de ces ruines, et le lendemain je l’ai retrouvé tel