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Page:Fabre - Souvenirs entomologiques edition7 Serie 9.djvu/17

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LA LYCOSE DE NARBONNE

ses méthodes. Je vois le résultat, et c’est tout. Viendrais-je visiter le chantier à la clarté d’une lanterne, que je n’obtiendrais pas davantage. Très timide, la bête plongerait à l’instant dans son repaire, et j’en serais pour mes frais d’insomnie. D’autre part, elle n’est pas très assidue à l’ouvrage, elle aime à prendre son temps. Deux ou trois brins de laine ou de raphia mis en place, c’est toute la besogne d’une nuit. À cette lenteur ajoutons de longs chômages.

Deux mois s’écoulent, et le résultat de mes prodigalités dépasse mon attente. Riches à ne savoir que faire de leurs trouvailles, cueillies dans une étroite proximité, mes Lycoses se sont bâti des donjons comme leur race n’en connaissait pas encore de pareils Autour de l’orifice, sur un talus à faible pente, de petites pierres plates et lisses ont été disposées en un dallage discontinu. Les plus volumineuses, blocs cyclopéens par rapport à l’animal qui les a remuées, sont utilisées aussi abondamment que les autres.

Sur ce cailloutis s’élève le donjon. C’est un entrelacement de lanières de raphia et de fils de laine cueillis au hasard, sans distinction des couleurs. Le rouge et le blanc, le jaune et le vert s’y mélangent sans ordre. La Lycose est indifférente aux attraits chromatiques.

Le résultat final est une sorte de manchon, haut d’une paire de pouces. Des liens de soie, fournis par les filières, fixent les morceaux entre eux de façon que l’ensemble a l’aspect d’une grossière étoffe. Sans être d’une correction irréprochable, car il y a toujours à l’extérieur des pièces récalcitrantes, mal domptées par l’ouvrière, l’édifice polychrome ne manque pas de mérite. L’oiseau feutrant la conque de son nid n’obtien-