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Page:Fabre - Souvenirs entomologiques edition7 Serie 9.djvu/170

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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

savent l’apprécier un mélange d’amertume et de douceur dont le mérite s’accroît par le contraste.

Si c’était en mon pouvoir, oui, je recommencerais, face à face avec l’unique conseiller le livre, pas toujours bien clair ; volontiers je reprendrais mes veillées solitaires, mes luttes contre le ténébreux d’où, sous les coups de sonde opiniâtres, jaillit enfin une lueur ; je referais mes rudes étapes d’autrefois, stimulé par le seul désir qui ne m’ait jamais fait faillite, le désir d’apprendre et de communiquer après mon peu de savoir à d’autres.

Au sortir de l’école normale, mon bagage mathématique était des plus modestes. Une racine carrée à extraire, la surface de la sphère à évaluer avec démonstration, étaient pour moi les points culminants de la science. Le terrible logarithme, lorsque par hasard j’en ouvrais une table, me donnait le vertige, avec son amoncellement de nombres ; certaine frayeur, mêlée de respect, me prenait rien que sur le seuil de cette caverne à calculs. De l’algèbre, aucune notion. J’en savais le nom, et sous ce vocable tourbillonnait en ma pauvre cervelle la cohue de l’abstrus.

D’ailleurs aucune velléité de fouiller un peu dans le grimoire. C’était là un de ces mets indigestes que l’on vante de confiance sans y toucher. Combien je lui préférais un beau vers de Virgile, que je commençais à comprendre ! M’eût bien surpris qui m’aurait annoncé que j’allais, de longues années durant, me passionner pour pareille étude, mon effroi. La bonne fortune me valut la première leçon d’algèbre, leçon donnée et non reçue, cela va de soi.

Un jeune homme me vint, à peu près de mon âge, me priant de lui apprendre l’algèbre. Il se destinait aux