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Page:Fabre - Souvenirs entomologiques edition7 Serie 9.djvu/177

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SOUVENIRS MATHÉMATIQUES

les flancs du caillou, était, en mes loisirs, besogne favorite. Je lui dois beaucoup.

Résultat final : mon élève passe son examen ; il est reçu. Quant au livre clandestinement emprunté, il est depuis bien longtemps remis à sa place et remplacé par un autre qui, cette fois, m’appartient.

En mon école normale j’avais appris, sous la direction d’un maître, un peu de géométrie élémentaire. Dès les premières leçons, je goûte assez bien cet enseignement. J’y soupçonne une méthode guidant la raison à travers les broussailles de l’idée ; j’entrevois la recherche du vrai sans trop broncher en chemin, parce que chaque pas en avant a ferme appui sur le pas déjà fait ; je devine dans la géométrie ce qu’elle est excellemment avant tout : une école d’escrime intellectuelle.

Peu m’importe en ses applications la vérité démontrée ; ce qui me passionne, c’est la marche qui la met en évidence. On part d’un point très clair, et, de degrés en degrés, on s’engage dans l’obscur, qui s’illumine à son tour en irradiant de nouvelles clartés pour une ascension supérieure. Cette invasion progressive du connu vers l’inconnu, cette lanterne scrupuleuse éclairant ce qui suit des clartés de ce qui précède, c’était là vraiment mon affaire.

La géométrie devait m’apprendre la marche logique de la pensée ; elle devait me dire comment le difficile se subdivise en tronçons qui, élucidés l’un après l’autre, se groupent en levier capable d’ébranler le bloc directement invincible ; comment enfin s’engendre l’ordre, base de la clarté.

Si jamais il m’a été donné d’écrire quelques pages parcourues du lecteur sans trop de fatigue, je le dois