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Page:Fabre - Souvenirs entomologiques edition7 Serie 9.djvu/232

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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

nacle de l’autre ; je m’attends à trouver la marmaille dans une profonde inertie, engourdie par le froid et le défaut de nourriture. Eh bien, ce n’est pas cela du tout. Aussitôt leurs loges effractionnées, les reclus à la hâte sortent, fuient de tous côtés, aussi agiles qu’aux meilleurs moments de leur vie émancipée. C’est merveille de les voir ainsi trottiner. La nichée de perdreaux surprise par un chien n’est pas plus prompte à se disperser.

Les poussins, encore mignonnes boules de duvet jaune, accourent à l’invitation de la mère, se hâtent vers l’assiette garnie de menus grains de riz. L’habitude nous a rendus indifférents aux spectacles de ces gracieuses machinettes animales d’un fonctionnement si prompt et si précis ; nous n’y accordons pas attention, tant cela nous paraît simple. La science scrute et voit autrement les choses. Elle se dit : rien ne se fait avec rien ; le poussin s’alimente, il consomme, ou pour mieux dire il consume, et de l’aliment fait chaleur qui se convertit en énergie.

Si l’on nous parlait d’un poussin qui, sept à huit mois d’affilée, se maintiendrait apte à courir, toujours dispos, toujours de preste allure, sans se restaurer de la moindre becquée depuis la sortie de l’œuf, nous n’aurions pas de termes suffisants pour exprimer notre incrédulité. Or ce paradoxe de l’activité sans le soutien du manger, la Clotho et les autres le réalisent.

Je crois avoir démontré que les jeunes Lycoses, tant qu’elles restent avec leur mère, ne prennent pas de nourriture. À la rigueur, des doutes seraient admissibles, l’observation restant muette sur ce qui peut se passer tôt ou tard dans les mystères du terrier. Là, peut-être, la mère repue dégorge-t-elle à sa famille quelques