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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

torat. Parfois, au lieu du puissant myriapode, superbe horreur, je rencontrais, sous la pierre soulevée, un autre ermite non moins déplaisant. C’était lui. La queue convolulée sur le dos, une gouttelette de venin perlant au bout du dard, il étalait ses pinces à l’entrée d’un terrier. Brrr ! laissons la redoutable bête ! La pierre retombait.

Fourbu de fatigue, je revenais de ma course riche de Scolopendres, riche surtout de ces illusions qui teintent l’avenir de rose quand on commence de mordre à belles dents sur le pain du savoir. La science ! ah ! l’ensorceleuse ! Je rentrais, le cœur en joie ; j’avais des Mille-Pattes. À mes sereines naïvetés que fallait-il davantage ? J’emportais les Scolopendres, je laissais les Scorpions, non sans un secret pressentiment qu’un jour viendrait où j’aurais à m’en occuper.

Cinquante ans se sont écoulés, et ce jour est venu. Après les Araignées, ses voisines d’organisation, il convient d’interroger ma vieille connaissance, chef de file des Arachnides en nos pays. Précisément le Scorpion languedocien abonde dans mon voisinage ; nulle part je ne l’ai vu aussi fréquent que sur les collines sérignanaises, à pentes ensoleillées, rocailleuses, aimées de l’Arbousier et de la Bruyère en arbre. Le frileux y trouve une température africaine, et de plus un sol aréneux, d’excavation aisée. C’est là, je pense, son ultime station vers le nord.

Ses lieux préférés sont les cantonnements pauvres de végétation, où le roc émergé en feuillets verticaux se calcine au soleil, se déchausse par le fait des intempéries et finit par crouler en plaques. On l’y rencontre d’ordinaire par colonies largement distantes, comme si