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Page:Fabre - Souvenirs entomologiques edition7 Serie 9.djvu/24

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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

fondeur ainsi qu’en diamètre et deviendront spacieux logis, pareils à ceux des aïeules. Dans les uns comme dans les autres se trouve la propriétaire avec sa famille, celle-ci tantôt éclose et tantôt encore renfermée dans la sacoche de satin.

Ne voyant pas d’outillage de terrassier tel que me semblait l’exiger l’excavation de la demeure, je me suis d’abord demandé si la Lycose ne profiterait pas de quelque galerie fortuite, ouvrage de la Cigale ou du Lombric. Ce boyau de rencontre, me disais-je, doit abréger les fouilles de l’Aranéide, en apparence si mal outillée ; il suffirait de l’agrandir et de le régulariser. J’étais dans l’erreur : de l’entrée au fond, le terrier se creuse par le travail direct de l’Aranéide.

Où sont alors les instruments de forage ? On songe aux pattes, aux griffetteos ; on y songe, mais la réflexion dit que de pareils outils, trop longs et de manœuvre difficultueuse dans un étroit espace, seraient insuffisants. Il faut ici le pic à manche court du mineur pour cogner dur, s’insinuer au-dessous, soulever, arracher ; il faut la pointe aiguë qui plonge dans la masse terreuse, la fait crouler en miettes. Il reste alors les crocs de la Lycose, armes fines qu’on hésite d’abord à faire intervenir en semblable travail, tant il semble illogique de creuser un puits avec des bistouris.

Ce sont deux pointes acérées et courbes qui, dans l’inaction, se ploient à la manière d’un doigt fléchi et s’abritent entre deux forts piliers. Le chat rentre ses griffes dans des gaines, sous le velours de la patte, afin de leur conserver leur acuité et leur tranchant. De même, la Lycose protège ses poignards empoisonnés en les repliant sous l’abri de deux puissantes colonnes,