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Page:Fabre - Souvenirs entomologiques edition7 Serie 9.djvu/261

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LE SCORPION LANGUEDOCIEN

nuptiales dignes de figurer à côté des noces tragiques de la Mante religieuse.

Je n’y inscrirai pas davantage les gueuletons provoqués par mes malices, lorsque je mets le Scorpion en présence d’un adversaire puissant et que je harcèle les deux lutteurs, désireux de voir la bataille. Exaspéré, le Scorpion se défend, poignarde ; puis, dans l’ivresse de sa victoire, il mange le vaincu, autant que le lui permettent ses facultés déglutives. C’est sa manière de célébrer son triomphe. Jamais, sans mon intervention, il n’aurait osé s’attaquer à pareil adversaire ; jamais il n’aurait porté la dent sur une proie si volumineuse.

En dehors de ces ripailles, trop exceptionnelles pour être mises en ligne de compte, je ne relève que de sobres collations. Ma surveillance est peut-être en défaut ; de nuit, à des heures avancées, en l’absence de témoins, la consommation pourrait bien augmenter ; aussi, avant d’accorder au Scorpion un certificat de haute sobriété, je fais appel à l’expérience suivante, qui nous donnera formelle réponse.

Au début de l’automne, quatre sujets de taille moyenne sont isolés chacun dans une terrine, meublée d’une couche de sable fin et d’un tesson. Un carreau de vitre ferme le récipient, prévient l’évasion des habiles grimpeurs et laisse le soleil égayer la démeure. Sans entraver l’accès de l’air, la clôture est suffisante pour empêcher tout menu gibier, Teignes et Moustiques, de pénétrer dans l’enceinte. Les quatre terrines sont entreposées dans une serre où règne la majeure partie du jour une température tropicale. De vivres, il n’y en a point de servis par mes soins ; jamais non plus n’arrivera du dehors la moindre bouchée, ne serait-ce qu’une fourmi